02 avril 2007

Kipushi : la cité transformée en élevage sauvage de porcs , la santé publique et les autres activités en péril...

Source : mediacongo.net, Syfia
Date de survenance : avril 2007, et avant, et après !...
Date de première publication sur Internet : 05 avril 2007

Texte intégral :

Kipushi, la cité des cochons

A Kipushi au Katanga, des agents de la Gécamines mis en retraite se sont reconvertis en éleveurs de cochons.

Du coup, l’ancienne cité minière s’est transformée en une vaste porcherie où les bêtes divaguent en pleine rue.
Le service de l’environnement tente d’y mettre fin, mais les ex-mineurs résistent…

C’est sans beaucoup d’encombres qu’on arrive, à Kipushi, petite cité située à une demi-heure de route - 30 km - de Lubumbashi, la capitale du Katanga.

Comme Kolwezi et Likasi, Kipushi fait partie de la riche bande cuprifère qui s’étend du Katanga jusqu’au-delà de la frontière zambienne, toute proche.

Sur un check point à l’entrée de la cité, des policiers contrôlent les véhicules. Tout près de là, un petit marché bien achalandé en légumes, haricots, pommes de terre, manioc, maïs…

Aux abords s’étale un immense dépotoir d’immondices, essentiellement des produits alimentaires avariés.
C’est là que viennent se régaler des milliers de cochons qu’élèvent, depuis 3 à 5 ans maintenant, des anciens de la Gécamines.

Tombée en faillite dans les années 90, l’entreprise publique, qui exploite le cuivre et le cobalt dans cette province, a dû réduire drastiquement son personnel.

Sur des effectifs de 25.000 travailleurs, 10.000 sont partis en "retraite volontaire" en 2003, dans le cadre du programme d’assainissement de la société soutenu par la Banque mondiale.

Les «retraités» ont touché des décomptes forfaitaires allant de 40.000 à 50.000 $ pour les cadres, de 2.000 à 10.000 $ pour les autres catégories professionnelles.

A Kipushi, un petit nombre d’entre eux s’est tourné vers l’agriculture, que certains pratiquaient déjà.
Mais la grande majorité a investi son argent dans l’élevage des cochons.

Selon les services vétérinaires de la place, 675 éleveurs possèdent ainsi près de 35.000 têtes de bétail (mâles, femelles et pourceaux).

PAGAILLE DANS LES RUES

Pour les ex-mineurs, la reconversion est un pari osé.

Car la plupart n’ont pas été chercher loin.
Craignant les vols des bétails très fréquents dans les fermes, ils ont préféré construire des enclos d’élevage dans des parcelles et villas rachetées à leur ancien employeur.

Ainsi dans le quartier «Safricas» (ancien quartier Gécamines), 7 parcelles sur 10 ont de petites porcheries de fortune de 2 mètres carrés ou plus, entourées de fils barbelés.
80% des cochons élevés dans ce quartier passent leurs journées dans ces enclos.
Les autres sont carrément dans la rue.

A 18 heures, chaque éleveur lâche ses bêtes, qui se mettent à courir dans tous les sens. La pagaille est alors totale…

Profitant de ce moment de liberté, les animaux se répandent dans Kipushi.
Certains vont vers les champs et la rivière tout proches, d’autres prennent d’assaut une grande poubelle installée dans un espace vert, ou se dirigent vers le marché…

Pour une habitante du quartier propriétaire de 12 cochons, les bêtes enfermés toute la journée risquent de ne pas bien grandir.
Il leur faut, dit-elle, un peu de liberté.
«A ces heures là, ils se détendent et ne dérangent personne.
Et s’ils peuvent se nourrir dans les poubelles, il n’y a pas de mal car je ne les nourris pas assez par manque de moyens…», explique-t-elle.

Mais les animaux en divagation font des dégâts partout, notamment chez les agriculteurs.
Les plaintes ne manquent pas.
«Nous sommes obligés de veiller sur notre petit champ chaque jour, même le dimanche sinon les cochons du quartier vont tout détruire, raconte Wivine Rehema, âgée d’une vingtaine d’années. Qu’ils les amènent dans une ferme, c’est mieux…»

LES COCHONS N’ONT QU’A BIEN SE TENIR

Les bêtes rentrent généralement tard la nuit dans leurs enclos.
D’autres s’égarent parfois.
Le lendemain, leurs propriétaires se lancent à leur recherche et ont de la peine à les retrouver parmi d’autres.

Yves Liwena, le seul médecin vétérinaire de la région, s’inquiète de leur divagation. «Ces animaux ne sont pour la plupart pas soignés», prévient-il. Il énumère les maladies déjà fréquentes dans la cité, causées par les bêtes : gale, téniasis, sistiserkoze (filaires qui s’attaquent aux muscles), ascaridioses…

Les services vétérinaires et de l’environnement ont d’ores et déjà saisi le procureur près la Cour d’Appel de Lubumbashi pour mettre fin à la pagaille.

«Une fois les décisions arrêtées, nous lancerons une opération qui consistera à tuer à l’arme blanche toute bête en divagation et l’incinérer par la suite…», affirme un agent de ces services.

Mis au parfum de la démarche, les éleveurs, indignés, se préparent à la résistance.
" Nos cochons, c’est notre seul espoir. Nous sommes au chômage et nos enfants étudient grâce à cet élevage…", proteste Yav.

Un cochon vendu sur le marché local rapporte 30 à 50 $.
De quoi payer les frais en 3 tranches d’une année à l’Université.

«C’est notre seule source de revenus.
Si jamais ils tuaient mes cochons, je vais les ensorceler», dit un éleveur, particulièrement remonté.

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